Deux mots que vous avez déjà sûrement entendus si vous écrivez depuis un petit bout de temps. Ce sont des concepts popularisés par l’écrivain G.R.R Martins, auteur de Games Of Thrones, qui évoquent deux approches différentes d’aborder l’écriture.
Qu’est-ce qu’être jardinier ?
C’est aborder l’écriture de son roman avec un concept et quelques idées. Le travail préparatoire sera bref, sans plan détaillé à suivre à la lettre, et les jardiniers écriront « au fil de l’eau ». Certains rebondissements peuvent surprendre l’auteur, et certains nouveaux personnages peuvent également s’imposer d’eux-mêmes (même si cela peut arriver en étant architecte). En résumé, être jardinier c’est écrire son roman avec un certain degré d’improvisation et se laisser une part d’inconnue pour laisser libre cours à son imagination : votre idée de départ pourra peut-être vous emmener sur une fin alternative, ou le sort d’un personnage pourrait être complètement différent.
Au contraire, être un architecte c’est prévoir minutieusement ce qu’il va se passer dans votre roman. Commencer à écrire sans avoir fait de plan de chapitre ? Hors de question ! Et n’oublions pas les fiches personnages, la carte du monde, l’organisation des personnages secondaires, l’établissement d’une timeline précise… Un architecte prévoit l’organisation de son roman en avance, mais également ses personnages, leurs objectifs, leur utilité…
En résumé : l’architecte aime prévoir et savoir où il va : ses rebondissements sont imaginés, ses intrigues principales et secondaires sont établies, et tout ce qui tendra vers la fin imaginée est déjà prévu en amont.
Mais ne peut-on être que l’un ou l’autre ?
Non !
L’école étant obligatoire de 3 à 16 ans, je suppose que vous savez à quoi ressemble une règle. Alors, plutôt team règle de 20 cm dans la trousse ou 30 cm dans le cartable, peu importe, ce qui compte c’est de la visualiser.
Maintenant, disons que l’architecte est placé sur le 0, et que le jardinier lui, l’est sur le 20. Je ne suis pas en train de dire qu’être architecte, c’est être un zéro, et l’on pourrait faire l’inverse, bien entendu.
Si vous êtes débutant, disons que vous vous placez sur le 10. Ce que vous observerez au fil du temps et de votre travail, c’est que vous ne resterez (peut-être) pas fixé sur le 10. Vous tendrez peut-être vers le 11, le 12, le 4 ou même encore le 2.
Nous sommes un mélange unique d’architecte et de jardinier, et je pense qu’à mesure de notre progression, notre méthode de travail modifiera notre position sur cette règle.
Ainsi, il existe des écrivains sur le 0 ou sur le 20, mais une infinité entre les deux.
De même, un écrivain pourra commencer à tendre vers le 20 (jardinier), mais au fil du temps, repasser sur le 10 et commencer à flirter avec le 0 (architecte). Tout dépend de votre évolution, de vos erreurs, de vos réussites… en somme, de tout ce que vous avez appris.
Ainsi, lorsque l’on me demande si je suis plutôt architecte ou jardinier, je réponds (architecte), mais je sais également que je ne suis pas un pur architecte, et que durant une partie de ma vie d’écrivain, j’étais jardinier.
Je ne vois pas pourquoi il n’en serait pas de même pour vous !
Ne vous enfermez donc pas dans des cases inutiles, parce que votre vision de l’écriture évoluera forcément au fil du temps et que vous pourriez vous bloquer dans un carcan qui ne vous correspond pas.
S’entêter à croire qu’on pourrait être capable d’écrire un roman sans rien prévoir et en écrivant au fil de l’eau alors que nous sommes Architecte dans l’âme, c’est se ralentir à cause de notre égo.
S’entêter à croire qu’on ne peut écrire sans une intense préparation et que nous sommes architecte dans l’âme, jusqu’à passer des mois sur du world-building, c’est se ralentir à cause de notre peur d’échouer.
L’une de ces méthodes est-elle meilleure que l’autre ?
Je ne vois pas en quoi ce serait le cas. Si ces manières d’aborder l’écriture sont différentes, il faut surtout apprendre à vous connaître et vous écouter. L’une n’est pas meilleure que l’autre, car cela dépend de l’auteur et de sa façon de travailler.
— Peut-être que vous aborderez l’un de vos romans en tant qu’architecte, mais que vous écrivez vos nouvelles comme un jardinier.
— Peut-être que vous allez écrire 3 tomes comme un jardinier, mais qu’à l’élaboration d’un nouveau one-shot, vous aborderez l’écriture en tant qu’architecte.
— On peut même imaginer l’inverse : vous abordez l’écriture de votre duologie en tant qu’architecte parce que vous estimez qu’il est important d’être organisé lorsqu’on travaille sur plusieurs romans, mais vous pouvez également commencer un one-shot en pur jardinier.
— Vous êtes architecte dans l’âme, mais vous n’arrivez pas à vous décider sur l’un de vos personnages : doit-il mourir ici ou là ? Pas grave, vous décidez de vous laisser surprendre par l’écriture et de ne pas vous fixer.
— Vous êtes architecte, mais vous vous rendez compte que la fin que vous aviez initialement imaginée est moins efficace que celle qui vous a frappé pendant que vous preniez une douche : vous changez. Parce qu’être architecte, ce n’est pas être inflexible.
— Vous êtes jardinier, vous n’avez visualisé que la fin de votre roman, une partie de ce monde imaginaire… mais vous avez prévu tous les personnages et fait leurs fiches respectives.
— Vous avez méthodiquement organisé votre roman jusqu’à un renversement de situation situé au milieu de votre roman (du moins, selon vos prévisions) : vous préférez aborder l’autre moitié en tant que jardinier pour vous laisser surprendre par votre imagination.
— Vous avez tout organisé de A à Z…. sauf le début et la fin. Pas grave !
En résumé
Vous n’avez pas à vous mettre dans une case et à vous définir comme architecte ou jardinier, et à faire la guerre à l’autre camp. Nos méthodes de travail sont toutes différentes, et notre manière d’aborder l’écriture évoluera au fil du temps. Sachez simplement reconnaître ce qui fonctionne le mieux pour vous, et ensuite… vous n’aurez plus qu’à écrire.