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Ces verbes dits « faibles » remplissent nos récits tant ils nous viennent facilement à l’esprit. Si nous n’y faisons pas attention, ils combleront même toutes les phrases aux dépends de verbes plus aiguisés, plus parlant.

Ils appauvrissent notre style.

Varier ses verbes est un élément essentiel de l’écriture. Les verbes sont dynamiques ; ils nous permettent de donner de l’impact à une phrase, ou au contraire de l’alléger. En bref, de choisir le ton de notre phrase.

Je vous propose d’illustrer ces propos par des exemples !

 

Quels sont les verbes concernés ?


Les verbes être et avoir, mais la liste peut également s’étendre aux verbes dire, faire, voir, mettre.

 

Le verbe – être


Chacun de ces exemples est soumis à notre propre perception. Je tiens à le préciser, car ils ne peuvent prétendre à faire office de règle implacable.

 

Il était en vacances en train de jouer au ballon, et il s’était écrasé au sol lorsqu’un bout de terre avait buté contre sa chaussure.

J’utilise deux fois le verbe être, et une fois le verbe avoir, mais je pourrais également écrire cette phrase autrement :

Il passait ses vacances à jouer au ballon lorsqu’un bout de terre se logea entre les crampons de sa chaussure. Il chuta au sol.

 À vous de voir ce que vous préférez, voici d’autres exemples :

 

Julian était timide. Il avait toujours peur d’autrui, surtout quand son frère n’était pas présent pour le rassurer.

Julian frôlait les murs et n’osait jamais lever la voix plus fort que ses interlocuteurs. Il craignait les autres, surtout quand son frère ne l’accompagnait pas pour le rassurer.

 

Mathila était du haut de son promontoire. Elle avait son arc en main, la flèche tendue vers le garde. Les mains penchées sur le mirador, le soldat ne l’avait pas repérée. Lorsque ses doigts laissèrent s’échapper la corde, elle sut qu’il mourrait. Elle se retourna dans l’obscurité de la fortification.

Mathilda siégeait du haut de son promontoire. Sa corde tremblait entre ses doigts, tendue vers le garde accolé au mirador. Pouvait-il entendre l’appel de la mort résonner contre son casque ? Lorsque la flèche s’échappa, elle préféra détourner le regard et s’enfoncer dans l’obscurité de la fortification.

 

Le verbe – avoir


Il avait toujours les clés sur lui. La pression qu’il avait sur Anna, alors qu’elle l’observait depuis le bas des escaliers, était palpable.

Il gardait toujours les clés sur lui. La pression qu’il exerçait sur Anna, alors qu’elle l’observait depuis le bas des escaliers, l’excitait au plus haut point.

 

Ils avaient pour objectif de détruire cette tour, puis de progresser le long des remparts, jusqu’à avoir assez d’hommes pour assiéger la tour du Roi.

Ils devaient détruire cette tour, puis progresser le long des remparts et réunir assez d’hommes pour assiéger la tour du Roi.

 

Ils avaient réussi à avoir du matériel grâce à leur ami. Jones avait trouvé une pomme dans un buisson qu’il gardait pour le repas de ce soir.

Ils obtinrent du matériel grâce à leur ami. Jones conservait une pomme trouvée dans un buisson pour le repas de ce soir.

Parfois, l’utilisation des verbes être et avoir est inévitable et ce n’est pas un problème. En effet, les verbes simples… sont simples. Quand on ne veut pas barder son écriture de superflu, ils sont notre meilleure arme.

Le but de cet article n’est pas de mettre à mort les verbes faibles, mais plutôt de mettre à l’honneur les verbes fort tout en gardant à l’esprit que ces deux catégories ont leurs forces et leurs faiblesses.

 

Le verbe – dire


Pour le verbe dire, il convient de nuancer mon propos. Dire est un verbe qui se lit machinalement, il sera donc utile pour fluidifier l’incise plutôt que d’utiliser un verbe plus recherché.

Dire n’est donc pas un mauvais verbe, mais vous avez un panel d’autres verbes pour le remplacer. Certains auteurs vous diront de ne pas placer des verbes de paroles alambiqués car ils alourdissent le texte, c’est à vous de voir.

Gardez en tête que les verbes de paroles ne pourront pas porter toute une scène sur eux. (Si vous faites crier, vociférer un personnage, faites le exprimer sa colère par ses mots et par ses gestes, plutôt que de vous reposer sur un seul verbe)

 

— Je n’ai pas faim, dit-il en battant des bras.

Sa cape voleta dans son dos, il était déjà parti.

 

— Je n’ai pas faim, s’exclama-t-il en battant des bras.

Sa cape voleta dans son dos, il était déjà parti.

 

Que pensez-vous de ces deux phrases ? Personnellement, je trouve la différence minime.

 

— Bonjour, dit Charlie.

— Tu me mentais depuis des jours, dit Jacques.

Dans l’obscurité d’une l’alcôve, Henry dit qu’il n’avait pas cessé de lui mentir depuis qu’il l’avait rencontré.

 

Ici, l’accumulation de « dire » est assez palpable, mais il y a également un problème de mise en scène dans l’exemple.

 

— Bonjour, dit Space.

— Tu me mentais depuis des jours, répondit Jacques.

Dans l’obscurité d’une l’alcôve, Henry cria qu’il n’avait pas cessé de lui mentir depuis qu’il l’avait rencontré.

 

Est-ce que changer les verbes de parole a amélioré la scène ? Moi je la préfère, mais il manque de la substance, du contexte.

 

— Je suis là, annonça Space en entrant dans le pub.

— Tu me mentais depuis des jours, marmonna Jacques, un verre dans la main.

Une ombre se détacha d’une alcôve. Space reconnut le visage rougi d’Henry ; ses yeux ressemblaient à des raisins secs et son haleine puait le ricard.

Sa bouche s’entrouvrit comme s’il allait l’engloutir lui aussi.

— Il n’a pas cessé de te mentir depuis qu’il t’a rencontré, hurla-t-il en postillonnant.

 

Laurine était loin, à plus de vingt mètres de distance. Josh lui dit qu’elle n’avait toujours pas emporté les poissons qu’ils avaient pêchés la veille.

Est-ce logique d’employer dire, au vu de la distance qui sépare nos deux protagonistes ?

Laurine était loin, à plus de vingt mètres de distance. Josh lui cria qu’elle n’avait toujours pas emporté les poissons qu’ils avaient pêché la veille.

 

Il dit chaque lettre de son mot comme s’il s’agissait du dernier.

Il articula chaque lettre de son mot comme s’il s’agissait du dernier.

 

— Allo ?

— Oui ?

— Allo, dit-il.

— Je ne t’entends pas.

 

— Allo ?

— Oui ?

— Allo ? répéta-t-il.

— Je ne t’entends pas.

 

— Pars, lui dit le commandant alors qu’il graissait sa moustache avec ses doigts pâteux.

— Pars, lui ordonna le commandant alors qu’il graissait sa moustache avec ses doigts pâteux.

 

Il lui avait dit l’objet du mystère, et cela n’avait pas étonné Marc.

Il lui avait révélé l’objet du mystère, et cela n’avait pas étonné Marc.

 

— Georges, je ne sais pas comment te le dire…

Dis-le Louis, je suis là pour t’écouter.

 

— Georges, je ne sais pas comment te le dire (te l’avouer)

Exprime-toi Louis, je suis là pour t’écouter.

 

Il lui dit que non.

Il objecta.

 

Il avait dit cette rumeur à la moitié de la ville.

Il avait propagé cette rumeur à la moitié de la ville.

 

La bête sauvage jappait à quelques mètres d’eux. Un bruit, et ils mourraient.

— Van, passe-moi le lance-grenade, dit Pac.

 

La bête sauvage jappait à quelques mètres d’eux. Un bruit, et ils mourraient.

— Van, passe-moi le lance-grenade, chuchota Pac.

Dans cet exemple il est plus avisé d’utiliser « chuchoter », car cela renforce l’immersion. En effet, les protagonistes se doivent d’être silencieux s’ils ne veulent pas mourir.

 

Le verbe – faire


Là encore, le verbe faire peut rendre notre écriture terne alors que nous avons disposons de nombreuses parades !

Il a fait plusieurs meurtres.

Il a commis plusieurs meurtres.

 

J’ai fait les murs, cet après-midi.

J’ai construit, maçonné les murs, cet après-midi.

 

J’ai fait mon roman tout à l’heure.

J’ai écrit mon roman tout à l’heure.

 

J’ai fait mon travail toute la journée, je n’en peux plus.

J’ai travaillé toute la journée, je n’en peux plus.

 

Va faire ta chambre !

Va nettoyer ta chambre !

 

Cette machine fait des pièces en acier.

Cette machine produit, façonne, fabrique des pièces en acier.

 

Comme vous pouvez le constater, nous pouvons utiliser des verbes bien plus expressifs, plus précis, et la précision est à rechercher lorsque nous écrivons un roman.

 

Le verbe– voir


— Est-ce que tu le vois ? Il est derrière les arbres, près du ruisseau.

— Est-ce que tu l’aperçois ? Il est derrière les arbres, près du ruisseau.

Lorsque je lis apercevoir, j’en déduis immédiatement qu’ils recherchent quelque chose, est-ce également ton cas ?

 

Il faut que tu le voies comme une opportunité. On te ne proposera pas un travail aussi passionnant tous les jours.

Il faut que tu le considères comme une opportunité. On te ne proposera pas un travail aussi passionnant tous les jours.

 

— Jack ! J’ai vu l’une de leurs unités se frayer un chemin vers la crête !

— Jack ! J’ai repéré l’une de leurs unités se frayer un chemin vers la crête !

 

J’ai vu la butte Montmartre aujourd’hui !

J’ai visité, fait le tour de la butte Montmartre aujourd’hui !

 

Tu vois ce qui cloche ou pas ? Le joint fuit.

Tu comprends ce qui cloche ou pas ? Le joint fuit.

 

J’ai vu Henry l’autre jour, il était dans un sale état, avec sa barbe de trois jours et des traces de glace sur son t-shirt.

J’ai croisé Henry l’autre jour, il était dans un sale état, avec sa barbe de trois jours et des traces de glace sur son t-shirt.

On recommence, mais sans le verbe être !

J’ai croisé Henry l’autre jour. Il donnait l’impression de s’être levé précipitamment, avec sa barbe de trois jours et les traces de glace sur ton t-shirt.

Quelle phrase préférez-vous ? Personnellement la deuxième, malgré le verbe être.

 

Voyons ensemble ce travail de groupe.

Étudions ensemble ce travail de groupe.

 

Le verbe – mettre


Il a mis la clé dans la serrure, puis il a mis son trousseau sur la table.

Il a inséré la clé dans la serrure, puis il a déposé son trousseau sur la table.

 

J’ai mis son nom dans le mail de remerciement.

J’ai mentionné son nom dans le mail de remerciement.

 

N’oublie pas de mettre l’objet dans le mail !

N’oublie pas d’insérer l’objet dans le mail !

 

Je vais mettre les piquiers en première ligne, suivi des archers qui se retireront après les premières salves. Ma garde personnelle se mettra autour du camp.

Je vais disposer les piquiers en première ligne, suivi des archers qui se retireront après les premières salves. Ma garde personnelle s’arrangera autour du camp.

Je vais poster les piquiers en première ligne, suivi des archers qui se retireront après les premières salves. Ma garde personnelle se placera autour du camp.

 

Pour conclure


J’espère que tous ces exemples vous ont aidé à y voir un peu plus clair. N’oubliea pas que malgré leurs défauts, il ne faut pas chasser systématiquement les verbes faibles. Ils ont tout autant leur place dans le récit que les verbes plus recherchés, tant qu’ils ne sont pas utilisés à leurs dépens !

N’hésitea pas à apprendre un ou plusieurs verbes toutes les semaines/mois. Vous pouvez également écrire une nouvelle en vous astreignant à utiliser au minimum les verbes faibles, au profit des verbes forts.

Les verbes donnent du punch à nos récits, ne les sous-estimons pas !

 

Vous trouverez ci-dessous un lien vers le site CNRTL des synonymes.

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